https://www.nouvelobs.com/planete/20190223.OBS0710/attention-vous-croyez-porter-de-la-fausse-fourrure-c-est-peut-etre-de-la-vraie.html?fbclid=IwAR09l3aG2j22IvrGgMqvp3ADKvEWEZ9J8uSEBc48cHD8CzD
Société anti-fourrure alerte sur une pratique méconnue : de la fourrure
 animale qui se fait passer pour de l'artificielle. Et explique comment 
la reconnaître.
Par Anne Crignon
Publié le 25 février 2019 à 07h34 :
L’utilisation de la vraie fourrure par l’industrie du luxe et du 
prêt-à-porter est en déclin pour une raison simple : plus personne 
n’ignore aujourd’hui dans quelles conditions les petits mammifères dotés
 d’un pelage somptueux sont mis au monde pour être contenus dans cages 
toute la durée de leur courte vie, avant d’être dépecés, souvent à vif, 
et vendus trois fois rien (2 euros pour une dépouille sur les marchés de
 Chine).
Alors que le consommateur prend conscience qu’on a fait de 
l’animal une matière première au même titre que le bois ou le cacao, les
 plus rusés des producteurs s’organisent et continuent d’écouler sur le 
marché mondial de la vraie fourrure... en la faisant passer pour fausse.
Interview de Stéphanie Rossenu, fondatrice de la Société Anti-Fourrure. 
Vous alertez sur un phénomène nouveau : les gens croient porter de la 
fausse fourrure, car on la leur vend comme telle. Mais en réalité, il 
s’agit de vraie...
C’est exactement cela. Il y a, par exemple, ces 
bonnets commercialisés par la Compagnie du foulard avec un pompon en 
fourrure véritable, alors même que l’étiquette mentionne "100% 
acrylique". D’autres marques ne mettent pas d’étiquette sur le vêtement 
pour ne pas détourner le client de l’acte d’achat, car s’agit de chien 
viverrin ou de renard. Ce phénomène n’est malheureusement pas nouveau et
 s’observe depuis plus de dix ans. Les animaux ainsi utilisés 
proviennent de Chine, laquelle produit 90% de la fourrure à l’échelle 
mondiale, avec le commerce de chiens viverrins et de renards donc, mais 
aussi de lapins. Ce sont là les trois espèces les plus exploitées et 
dont l’Union Européenne est le principal importateur.
Qu’est-ce que le chien viverrin ?
Nyctereutes procyonoides ou encore Tanuki est un mammifère appartenant à
 la famille des canidés. C’est une espèce naturelle, très ancienne, 
d'origine asiatique localisée en Chine et au Japon. Il y a une 
ressemblance avec le raton laveur, mais une ressemblance, rien de plus. 
Cette confusion est entretenue à dessein par les marques, bien 
conscientes que peu de gens accepteraient de porter du chien. Or le 
chien viverrin est une espèce de chien à part entière.
Un chien viverrin (Aurélien Trachsel/Flickr)
Nous portons donc sans le savoir des cols de fourrure en chien. Comment est-ce possible ?
Lorsqu’elles s’approvisionnent chez leurs grossistes chinois, les 
marques peu regardantes ne cherchent pas à savoir s’il s’agit de vraie 
ou de fausse fourrure. Bien sûr, certaines savent pertinemment ce qu’il 
en est alors, pour écouler cette marchandise, elles pratiquent 
l’étiquetage inexistant ou mensonger. Des employés ayant travaillé dans 
le prêt-à-porter ont dénoncé le fait qu’on leur ait demandé de retirer 
les étiquettes "Fourrure véritable", afin d’en apposer d’autres 
totalement fantaisistes. Une conférence à Bruxelles fin 2017 a permis de
 mettre en lumière ces pratiques.
Et en France, où en sommes-nous ?
On sait que 59% des étiquettes sont trompeuses. En présence de fourrure
 de chien viverrin ou de renard, l’étiquette ne mentionne rien du tout, 
ou bien alors "Raton laveur" ou "Raccoon", au lieu de "Raccoon dog" qui 
désigne le chien viverrin. Les marques ont compris que le public aura 
moins d’empathie pour un raton laveur [traduction française de raccoon, 
NDLR] que pour un chien - ce qui est d’ailleurs en train de changer, car
 tous deux sont des mammifères sensibles et les gens prennent
conscience que la distinction entre animaux de compagnie et animaux 
d’élevage est infondée. Mais le mensonge va plus loin encore : sur de 
nombreux vêtements, la fourrure est celle de chiens et de chats 
domestiques. Ce trafic perdure en raison de sa rentabilité et de 
contrôles aux douanes peu efficaces.
Le client sait-il cela ?
Bien sûr que non. Lors des campagnes de sensibilisation que nous menons 
auprès du public qui porte de la fourrure, nous observons que deux 
personnes sur trois pensent avoir acheté de la fausse en raison de 
l’absence de mention "Fourrure animale", et aussi en raison du bas prix 
du vêtement. En réalité, plus un article est bon marché, plus la mention
 "Vraie fourrure" disparaît.
Vous observez tout de même que l’utilisation de la vraie fourrure par le prêt-à-porter et les marques de luxe va déclinant...
En effet. De plus en plus de marques et de couturiers tournent le dos à
 ce commerce en raison de sa cruauté sans nom. Cette industrie exige 
tout de même le massacre annuel de 150 millions de vies et, le plus 
souvent, les animaux sont dépecés alors qu’ils sont partiellement ou 
pleinement conscients. Mais par delà sa dimension éthique, ce déclin 
s’explique par les impacts écologiques de ce commerce. La Banque 
Mondiale classe l’industrie de la fourrure comme l’une des cinq plus 
polluantes au monde.
Vous dites que les fermes d'élevage à fourrure qui détiennent des milliers d'animaux, sont un "abîme de dépense et d'énergie".
Oui. Cette industrie représente un réel danger pour l'environnement, 
avec les menaces de pollution des eaux potables. La mauvaise gestion des
 déchets peut entraîner une contamination de l'eau, des nappes 
phréatiques du fait des déjections animales, sans parler des produits 
phytosanitaires utilisés pour contrer les parasites qui pullulent dans 
ce genre d'exploitation. Sans parler non plus de l'empreinte carbone, 
liée au transport des aliments, des cadavres, du lisier. C’est une 
aberration. Si l’on prend en compte le risque des grandes périodes de 
sécheresse à venir, la paille et l'eau sont des denrées et ressources à 
préserver pour les besoins vitaux. C’est pourquoi de plus en plus de 
pays interdisent leurs élevages d’animaux pour la fourrure. La Serbie, 
récemment, a rejoint les seize autres pays ayant interdit ces 
exploitations (Angleterre, Suisse, Luxembourg, Suède...). En Belgique 
l’interdiction prendra effet en 2022 et en Allemagne en 2024. Au Japon, 
il n’y a plus du tout de fermes d’élevage.
Cet hiver, en France, on a vu un nombre impressionnant de capuches avec un col de fourrure.
C’est d’autant alarmant que cela représente un réel danger pour la 
santé humaine. Le seuil des produits chimiques utilisés pour le 
traitement de ces garnitures dépasse en Chine de 250 fois les limites 
légales. Les plus exposés sont les enfants : la capuche se trouvant 
proche de la bouche, cela peut causer des troubles hormonaux jusqu’à 
vingt ans plus tard. Des chercheurs allemands, suisses, et croates ont 
mis à jour des risques de cancers et de leucémies.
Vous menez campagne depuis 2010. Quelles sont les marques qui vous ont suivi ?
Depuis la création de la campagne "France Sans Fourrure" en 2010, nous 
avons convaincu une vingtaine de marques d’en finir avec la fourrure 
animale : Etam, Morgan, Kookai, Aigle, Jacadi, Damart, Ikks, Le Phare de
 la baleine, Deux two, 123, Kaporal, Tara Jarmon, Karl Marc John, 
Camaïeu, Burberry, les enseignes Super U, Carrefour et Leclerc. Cyrillus
 suivra en 2020.
Comment vous y prenez-vous ?
Il y a dix ans, 
nous avons commencé par aller manifester à trois reprises devant le 
siège de la marque Morgan, à Levallois-Perret, qui nous a rapidement 
fait part de sa décision d’arrêter. Pour Kookaï, cela a été plus 
difficile. Nous avons maintenu nos manifestations mensuelles pendant 
trois hivers consécutifs. Pour les autres, notre collectif les a 
contactés régulièrement, parfois pendant de nombreuses années. Le public
 nous aide. Nous avons demandé aux clients, nombreux à nous solliciter 
spontanément, de contacter eux aussi ces marques, pour les convaincre 
d’arrêter la vraie fourrure. Seule la marque Zapa, que nous sollicitons 
depuis quatre ans, avec de nombreuses actions de terrain devant leurs 
boutiques, n’a toujours pas pris de décision ferme malgré son 
engagement.
Dans un rayon, comment lire l’étiquette ?
Si 
l’étiquette indique "Fourrure synthétique", cela est fiable. Mais il 
arrive aussi que des garnitures en fourrure synthétique ne soient 
accompagnées d’aucune indication, alors le mieux est de savoir 
distinguer la vraie fourrure de la fausse. Ce qui est assez facile : un 
faux poil, même très bien imité, aura toujours la même épaisseur de sa 
base à son extrémité alors qu’un vrai poil est forcément plus fin au 
bout.
Que sait-on des conditions d’élevage ?
Que c’est 
effroyable. En Chine, il n’y a aucune de loi de protection animale. La 
condition de vie et de mort de ces petits mammifères torturés sont pires
 qu’ailleurs. Les vidéos le prouvent : petites cages sales, blessures 
jamais soignées dues à l’automutilation, animaux à peine abreuvés, 
nourris avec les restes de leurs congénères déjà massacrés, et dépecés, 
comme je vous ai déjà dit, conscients la plupart du temps. Leur détresse
 est immense.
Ne nous leurrons pas : où qu’ils se trouvent dans le 
monde, ces élevages sont un concentré de souffrances inimaginables. Des 
vidéos en provenance de Finlande, par exemple, montrent les mêmes 
manquements ou presque aux besoins les plus élémentaires des animaux, 
comme l’atteste le rapport de Fur Free Alliance.
Quid des élevages français ?
Il existe environ vingt élevages en France, de visons et de lapins, 
destinés aux grands couturiers ou à l’exportation. On trouve les 
élevages de visons dans le Doubs, dont un à Emagny. L’association 
Combactive, dont nous sommes partenaire, a réalisé un formidable travail
 contre cet élevage. Elle est parvenue à faire annuler une extension de 
5.000 à 18.200 visons. Il y a, en France, une carence de réglementations
 vis-à-vis de l’animal d’élevage à fourrure, alors nous utilisons la 
législation sur l’environnement. Si Combactive a gagné face à Emagny, 
c’est grâce à ces réglementations environnementales justement, puisque 
l’éleveur ne les respectait pas. Les éleveurs français s’abritent 
derrière une charte du bien-être animal avec un bucolisme qui prête à 
sourire, au vu de la réalité : on ne peut décemment pas élever des 
animaux par milliers dans de bonnes conditions. Avec Combative, nous 
avons donc lancé une pétition.
Propos recueillis par Anne Crignon.
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